Temple de Russin

Projet: Restauration
Classement cantonal: MS – C 200 par ACE du 09.07.1975
Classement fédéral: PF 1369 du 20.06.1978

1995 - 1997

RESTAURATION DU TEMPLE DE RUSSIN

En mai 1995, la Fondation pour la Conservation des Temples Genevois (construit avant 1907) décidait de procéder à une réfection partielle du Temple de Russin.

Le mandat initial portait principalement sur une consolidation du clocher en pierre calcaire de Thoiry, dont plusieurs blocs fissurés se détachaient et sur un assainissement des soubassements. Mais ce qui au départ devait être un programme d'entretien et de réfection partielle, vingt cinq ans après la dernière restauration, fit ressortir en cours de travaux un chapelet de problèmes non perceptibles avant plusieurs examens approfondis.

Les interventions pratiquées sur le Temple se sont déroulées en trois étapes:

La première et la troisième étape furent des interventions importantes visant à réparer certaines parties structurelles du bâtiment et à améliorer leur conception, tout en préservant le caractère de l’édifice, ainsi que sa substance.

La première étape résulta du diagnostic suivant: la chaise en chêne soutenant la cloche se trouvait dans un état de pourriture avancée et on constata qu'elle fut l'objet de plusieurs réparations hasardeuses qui ont été à l'origine d'une répercussion des efforts dynamiques provenant des mouvements de la cloche sur l'ensemble du massif en pierre, lequel n'était pas conçu pour absorber de tels chocs.

Les fissures les plus importantes, à priori imputables de manière directe aux vibrations, avaient été provoquées dans la majorité des cas, par la présence d'une quantité d'agrafes métalliques, non visibles, situées dans les lits de pose des pierres de taille. En effet, les vibrations ayant progressivement détruit les joints de maçonnerie, ces agrafes n'étaient plus protégées et se corrodèrent sous l'action des intempéries. Ces éléments métalliques, en augmentant de volume, déstabilisèrent de nombreuses pierres de taille.

Dès lors, une réévaluation des dégâts sur le clocher démontra la nécessité de démonter l'ensemble du massif, pierre par pierre, après numérotation et confection de gabarits. Ces dernières ont été retaillées et légèrement re-calibrées en atelier, certaines reçurent des injections de résines pour assurer leur consolidation. Ainsi, le clocher a été entièrement remonté avec l’intégralité des pierres d'origine et de nouvelles agrafes en acier inoxydable, profondément noyées dans les lits de pose, assurent la cohésion de l'ensemble.

Une nouvelle chaise en chêne, minutieusement calculée par l’ingénieur pour absorber les mouvements de la cloche et plus stable que la précédente, a été construite en atelier et insérée dans l'étroit fût de pierre, en prenant soin d'éviter tout contact avec les parois.

Dessin de G. Deuber, extrait de GENAVA 1998, n.s., t. XLVILa seconde étape consista à installer un drain sur le pourtour du Temple, ainsi qu'à assainir les fondations et les soubassements détériorés par des remontées capillaires dues à la présence d'une poche d'eau sous l'édifice. Parallèlement, le Service cantonal d'archéologie compléta la campagne de fouille engagée par Charles Bonnet dans la nef lors de la dernière restauration en 1970. A l’extérieur, le bas des murs du temple et leurs fondations ont été entièrement mis à nu sur une hauteur de 1,50 m, sous la direction de Gérard Deuber. A l’intérieur de l'enceinte, durant les fouilles, les substructions de trois phases de construction du Xème siècle, des XIe-XIIIe siècles et des XIVe-XVIe siècles ont été découvertes.

La troisième étape fut engagée suite à la découverte de petites fructifications de mérule pleureuse contre les enduits supérieurs et les solives du plafond de la nef dans la zone contiguë avec l'ancien Prieuré. Des examens des deux côtés du mur mitoyen permirent de mettre à jour des poches d'air dans lesquelles un énorme foyer de mérule pleureuse s'était développé. D’impressionnantes ramifications de mycelliens s’étaient développées dans les combles des deux bâtiments. A ce sujet, après dépouillement des archives, nous avons retrouvé des mentions relatives à une infestation de mérule dans des notes datant de la dernière restauration de 1970.

Dans le Temple, des sondages systématiques furent entrepris au niveau des arasées de murs et permirent de mettre à jour, des sablières de bois noyées dans la maçonnerie sur le pourtour de la nef. La mérule s'était propagée par l'intermédiaire de ces sablières sur l'ensemble des appuis de la charpente et sur toutes les têtes de solives, sur la totalité du périmètre de la nef.

L'éradication de la mérule a impliqué la destruction complète du plafond et des solives, ainsi que des arasées de murs. Une mise sur appuis provisoires de la toiture, d’un seul tenant, a été nécessaire pour permettre la suppression, suivie de la destruction par incinération, de toutes les parties contaminées. Comme mesure complémentaire, un traitement chimique préventif des parties ayant subsisté fut effectué.

Les fermes d’origine de la charpente a été réparée selon la technique de soudure bout à bout avec barres en fibres de verre et béton époxy par Rénoantic, afin de conserver tout ce qui pouvait l'être. Compte tenu de l’extrême virulence de la mérule, une nouvelle structure ultra légère, en remplacement des solives détruites, a été conçue pour soutenir le plafond avec des poutrelles TJI en particules de bois et en lamellé collé insensibles aux champignons et xylophages. En outre, il n'y a plus de zones de contacts directs bois / maçonnerie. Les couches constituées par l'étanchéité et l'isolation sont ventilées, tout comme le reste de la charpente et du comble, de manière à prévenir la réapparition de moisissures et de champignons.

Pour retrouver la sobriété et le dépouillement des édifices religieux protestants, un plafond en plâtre construit à l'ancienne, réalisé la main sur liteaux, rappelle le plafond de 1843, époque de la dernière reconstruction de l'édifice. Une petite corniche fabriquée sur mesure ceinture la nef et contribue à relever l'appartenance au XIXe Siècle de l'édifice. Un badigeon de chaux hydratée, additionnée de caséine a été appliqué sur les murs. Il contribue à adoucir l'éclairage halogène provenant d'appliques en plâtre et souligne le caractère de crypte de la nef qui est confinée entre des murs resserrés et massifs.

RESTAURATION DU CLOCHER EN PIERRE CALCAIRE

Une partie de l'enceinte du temple a été érigée au X ème siècle. Le prieuré qui lui était associé est mentionné dès 1217. La dernière transformation importante de l'édifice remonte à 1843, dès cette date, la façade est surmontée d'un clocher néogothique. Ce clocher, en pierre calcaire de Thoiry, a subi de graves désordres statiques liés au balancement de la cloche. Nous avons été contraints de le démonter intégralement, pierre par pierre, après avoir numéroté les blocs. Ces derniers, constellés de micro-fissures, ont été consolidés à l’aide d’injections de liant ultra-fluide.

Les pierres de taille étaient maintenues solidairement par des clameaux en fer doux noyés dans les lits d'appareillage. Suite à une désagrégation des joints résultant d’une défectuosité de la chaise soutenant la cloche, l'eau de pluie s'est infiltrée en profondeur, faisant rouiller les clameaux. Le gel et la corrosion ont provoqué l'éclatement et le pivotement de nombreux blocs d'assise. Ci-contre la nouvelle chaise en chêne.

Sur l'ensemble, seuls quelques fragments de calcaire ont été remplacés. Des clameaux en acier inoxydable ont été profondément insérés et noyés dans de nouvelles cavités remplies de mortier haute densité, afin d’éviter tout contact avec l'air. A l’origine, la cloche était suspendue à une chaise en chêne de 2,20 cm de haut qui était instable. A chaque mouvement de la cloche, la chaise s’appuyait sur le massif du clocher, en répercutant les vibrations dans la pierre. Une nouvelle chaise en chêne de 3,90 m. de haut, a été conçue de façon à augmenter le bras de levier. Ci-contre vues avant et après travaux.

RESTAURATION DE LA NEF

La charpente et les murs de la nef ont fait l'objet d'une restauration importante consécutivement à une infestation de mérule pleureuse. Sur toute la périphérie de l'enceinte, soit 21.00 m. x 6.00 m. la charpente en contact avec la maçonnerie était détruite. Seules les fermes ont pu être restaurées. La toiture a été soulevée et détachée des murs d'un seul tenant, avec la couverture, sur des poteaux de 7,00 m de haut. Après démontage des arasées, les murs ont été désinfectés et les arasées reconstruites.

Les tirants et arbalétriers ont été restaurés par un procédé de soudure bout à bout à base de résine qui s'est avéré nettement moins coûteux qu'un moisage traditionnel. La charpente a été restaurée et le plafond a été refait selon son état d'origine, gypsé à la main sur liteaux. Les murs ont été crépis avec un mortier de chaux de fosse en pâte, puis badigeonnés. Dans le processus de restauration des murs, une étude hygrométrique a été réalisée sur une année. A présent, un chauffage de nuit maintient la température minimum de 15° en pemanence de façon à éviter des écarts de température importants. Parallèlement, un déshumidificateur équipé d’un hygrostat régule le taux d’humidité.

REFECTION ET ASSAINISSEMENT DES SOUBASSEMENTS

Edifié sur une croûte argileuse sous laquelle se trouvent des graviers gorgés d'eau, les fondations, atteignant 1,80 m. d'épaisseur, sont sujettes à de fortes remontées capillaires. Des travaux ont été réalisés sur ces fondations conjointement à une campagne de fouilles archéologiques. Sur les soubassements, les crépis ont été refaits avec des mortiers spécialement étudiés. Un réseau de drains ainsi qu'un puisard ont été installés.